La réforme des retraites de 2023 a bouleversé la durée d’activité des assurés.
Face à l’allongement de la durée de cotisations et au recul de l’âge légal de départ à la retraite, les entreprises doivent faire évoluer leur mode de gestion des fins de carrière.
La retraite progressive apporte une alternative intéressante pour les entreprises et pour leurs salariés, en fin de carrière, désireux de réduire leur temps de travail. Ce dispositif, actuellement disponible 2 ans avant l’âge légal, serait à nouveau accessible dès l’âge de 60 ans à partir du 1er septembre 2025.
En effet, l’ANI (Accords Nationaux Interprofessionnels) du 14 novembre 2024 en faveur de l’emploi des salariés expérimentés prévoit de faciliter l'accès à la retraite progressive en réabaissant l'âge d'entrée dans ce dispositif pour les salariés du secteur privé et les fonctionnaires.
Le texte proposé par les partenaires sociaux est déjà adopté au Sénat (4 juin 2025) et transmis à l'Assemblée nationale (5 juin 2025). Il est actuellement étudié en commission à l'Assemblée nationale (depuis le 23 juin 2025).
Cet article a pour but de vous présenter les principes clés de la retraite progressive, les récentes évolutions législatives et leurs impacts sur les salariés comme sur les entreprises.
01
La retraite progressive permet à un salarié de réduire son temps de travail tout en commençant à percevoir une partie de ses pensions de retraite. Ce dispositif est conçu pour faciliter la transition vers la retraite, en offrant une solution intermédiaire entre l’activité à temps plein et la retraite complète.
Aujourd’hui, elle peut être demandée au plus tôt 2 ans avant l’âge légal de départ en retraite, dès lors que les deux conditions suivantes sont réunies :
Au préalable de la demande d’accès à la retraite progressive, il est essentiel d’échanger avec son employeur sur son souhait de réduire son temps de travail. L’accord de l’employeur est réputé acquis en l’absence de réponse après 2 mois. Un refus ne peut se justifier qu’en raison de l’incompatibilité avec l’activité économique de l’entreprise.
Une fois la retraite progressive mise en place, le salarié continue de cotiser à la retraite sur son salaire à temps partiel, ce qui lui permet d’acquérir des trimestres et des points. Pendant cette période, il perçoit une fraction de sa pension de retraite en complément de son salaire partiel à due proportion de son temps de travail.
Un accord écrit avec l’employeur peut permettre au salarié à temps partiel de continuer à acquérir des droits retraite comme s’il était à temps plein. Cet accord doit détailler la répartition des cotisations supplémentaires pour la retraite.
Enfin, lorsqu’il demande sa retraite définitive, la fraction de pension perçue pendant la retraite progressive est remplacée par la pension complète, prenant en compte tous les droits acquis pendant la période de travail à temps partiel.
Exemple
Dans cet article, nous vous proposons de suivre Willy et Tawera Watson dans les différentes étapes de leur départ à la retraite.
Willy respecte les conditions d’accès à la retraite progressive et souhaite en bénéficier avec une activité à temps partiel à 50%. Tawera envisage quant à elle de poursuivre son activité à 100% jusqu’à son départ à la retraite.
Tous les deux sont nés après 1968. Conformément à la législation actuelle en vigueur, Willy pourra bénéficier d’une retraite progressive au plus tôt à 62 ans, soit 2 ans avant son âge légal fixé à 64 ans.
Dans notre exemple, Tawera reste en activité jusqu'à son départ à la retraite
Dans notre exemple Willy décide de passer à 50% d’un temps plein, ce qui lui permet de percevoir 50% de ses pensions de retraite. S’il décidait de passer à 80%, il percevrait 20% de ses pensions de retraite calculées à la date de son départ en retraite progressive.
Le suivi de la retraite progressive se fait annuellement, à la date anniversaire de l’attribution de la pension, par l’Assurance retraite. La caisse de retraite adresse un questionnaire de contrôle de l’activité à temps partiel auquel la réponse est obligatoire. L’absence de réponse entraine une suspension du paiement de la retraite progressive.
Si la durée du travail est modifiée au cours de la première année de retraite progressive, cette nouvelle situation ne sera prise en compte qu’à la date anniversaire pour le recalcul du montant de la pension. Ainsi, il faudra attendre le 13e mois après la mise en place de la retraite progressive pour voir sa pension réajustée.
Par la suite, la révision se fera le 1er jour du mois suivant celui pour lequel le changement est advenu. Pour que cela soit pris en compte il faudra informer la caisse de retraite en transmettant les justificatifs nécessaires (contrat(s) de travail, déclaration sur l’honneur qu’aucune autre activité n’est exercée, attestation employeur(s) faisant apparaitre la durée à temps complet applicable dans l’entreprise, etc.).
Si l’assuré cesse temporairement toute activité à temps partiel ou s’il modifie son temps de travail de manière à ce qu’il soit inférieur à la condition de 40% ou supérieure à celle de 80%, le versement de sa pension de retraite progressive sera suspendu jusqu’à ce qu’il remplisse à nouveau les conditions de son versement.
Enfin, si l’assuré cesse toute activité à temps partiel à titre définitif (départ en retraite, reprise d’un temps plein), il verra sa retraite progressive supprimée.
02
La réforme des retraites de 2023 a retardé l’accès à la retraite progressive de 60 à 62 ans pour les personnes nées à compter de 1968. Cependant, l'ANI du 14 novembre 2024 propose un revirement en rétablissant l'accès à la retraite progressive dès 60 ans, quelle que soit la génération.
| Post réforme des retraites 2023 | En cas de validation de l’ANI | |||
|---|---|---|---|---|
| Génération | Age de d’ouverture des droits | Age possible de départ en retraite progressive | Nouvel âge de départ en retraite progressive | Durée entre le nouvel âge et l'âge d'ouverture des droits |
| 1er sept. 1961 | 62 ans 3 mois | 60 ans 3 mois | 60 ans | 2 ans 3 mois |
| 1962 | 62 ans 6 mois | 60 ans 6 mois | 60 ans | 2 ans 6 mois |
| 1963 | 62 ans 9 mois | 60 ans 9 mois | 60 ans | 2 ans 9 mois |
| 1964 | 63 ans | 61 ans | 60 ans | 3 ans |
| 1965 | 63 ans 3 mois | 61 ans 3 mois | 60 ans | 3 ans 3 mois |
| 1966 | 63 ans 6 mois | 61 ans 6 mois | 60 ans | 3 ans 6 mois |
| 1967 | 63 ans 9 mois | 61 ans 9 mois | 60 ans | 3 ans 9 mois |
| 1968 et + | 64 ans | 62 ans | 60 ans | 4 ans |
Exemple
Si nous reprenons notre exemple précédent, Willy pourra bénéficier d'une retraite progressive à partir de 60 ans en cas de validation de l'ANI.
Il est à noter que la retraite progressive n’a pas de durée limite tant que les conditions nécessaires de maintient sont remplies.
En complément, une nouveauté importante a été introduite :
Un accord d’entreprise, d’établissement, ou à défaut, une convention ou un accord de branche, peut désormais prévoir une modalité d’utilisation anticipée de l’indemnité de départ à la retraite.
Cette mesure s’adresse aux salariés qui, en accord avec leur employeur, choisissent de réduire leur temps de travail (temps partiel ou temps réduit en jours) en fin de carrière. Dans ce cadre, une partie ou la totalité de leur indemnité de départ à la retraite peut être affectée au maintien de leur rémunération, afin de compenser la baisse de revenu liée à cette réduction d’activité.
Si le montant de l’indemnité de départ qui aurait été due au moment où le salarié fait valoir ses droits à la retraite est plus élevé que les sommes utilisées pour compenser la baisse de salaire, la différence est versée au salarié.
Exemple
Willy travaille depuis 22 ans dans une entreprise de métallurgie. À partir de janvier 2026, il bénéficiera d’un passage à temps partiel à 50 % dans le cadre de sa retraite progressive.
Pour compenser la réduction de sa rémunération liée à ce changement, l’entreprise a négocié un accord spécifique. Cet accord permet aux salariés à temps partiel de percevoir par anticipation tout ou partie de leur indemnité de départ à la retraite.
Sur la base de ses 22 ans d’ancienneté, Willy a droit à une indemnité équivalente à 3 mois de salaire.
Ainsi, plutôt que de recevoir cette indemnité en une seule fois lors de son départ à la retraite, il peut choisir de la percevoir de manière fractionnée et anticipée, sous forme de versements mensuels.
Cette mesure vise à maintenir son niveau de revenu malgré la baisse de son temps de travail.
Après avoir exploré le fonctionnement de la retraite progressive pour les salariés, intéressons-nous maintenant aux bénéfices que ce dispositif peut offrir aux employeurs.
03
La retraite progressive présente plusieurs avantages pour les entreprises :
En résumé, la retraite progressive permet de faciliter la transition vers la retraite tout en préservant l'expérience en entreprise.
La retraite progressive s’impose comme un levier stratégique pour accompagner la transition des fins de carrière, tout en valorisant l’expérience des salariés. Elle permet non seulement de préserver les compétences clés au sein des équipes, mais aussi de renforcer l’engagement des collaborateurs en fin de parcours professionnel.
Bien que la retraite progressive soit encore peu utilisée en France, les assouplissements apportés par l’ANI du 14 novembre 2024 sur les critères d’éligibilité élargissent son accès à un plus grand nombre de salariés, rendant ainsi ce dispositif plus attractif.
Mais tous les salariés n’ont pas cette opportunité, notamment les seniors au chômage. D’où l’intérêt de penser la retraite progressive en complément d’autres dispositifs d’accompagnement de fin de carrière. Nous vous en parlerons en détail dans un prochain article. Stay tuned !